Portrait du mois, Francis D’Hulst président de l’association Cœur des mamans – Priorité & Prévention

  • Comment est née votre association ?
    Notre action est née d’un drame familial. En effet, notre fille cadette, Florence, nous a quitté en octobre 2016, à la suite d’une cardiomyopathie du Peripartum dont personne, autour de nous, n’avait entendu parler, et qui est souvent mal diagnostiquée par les milieux médicaux, en raison de sa rareté et de la confusion possible des symptômes avec d’autres pathologies.
    Nous avons commencé à militer pour une prévention de cette maladie sournoise, invalidante et parfois mortelle pour des jeunes mamans à un moment qui ne devrait être que de bonheur partagé.
    Florence était une jeune femme sans problématique cardiaque; elle faisait du parachute en chute libre et de la plongée sous-marine à -40 mètres… Elle avait un suivi médical pour ces sports extrêmes qui n’a jamais révélé la moindre anomalie.
    En 2013, un petit garçon, Hilel, vient apporter un surplus de bonheur à toute la famille. Trois ans plus tard, le 15 juillet 2016, Florence met au monde une petite sœur à Hilel : Emma, après un accouchement sans complications : Allaitement, vie normale de jeune maman, essoufflements qui n’alertent personne. Le 17 août, un malaise l’amène aux urgences à Lille, on pensait à une simple fatigue, mais les médecins, pour la première fois, nous parlent de Cardiomyopathie du Peripartum. Le bonheur absolu se transforme alors en cauchemar : 8 opérations pour installer ou désinstaller des pompes d’assistance, une mise en chambre stérile et des plasmaphérèses pour abaisser son taux d’anticorps trop élevé pour une greffe cardiaque. Une ultime opération pour lui installer un cœur artificiel bipolaire externe qui aurait dû lui permettre, dans des conditions difficiles, d’attendre une greffe qui n’arrivera pas… Trois jours après, le 17 octobre, une hémorragie cérébrale nous emporte Florence.
  • Quelles ont été vos premières actions suite à votre drame familial ?
    Trouver des réponses était ma priorité, pour ma famille, pour les enfants de ma fille et pour la communauté.
    La cardiomyopathie du peripartum semblait méconnue pour la plupart, autant les professionnels de santé que le grand public, la méconnaissance est la problématique majeure de toutes les maladies rares.
    J’ai commencé une quête bibliographique, consulté des articles de médecine issus de revues internationales, toute la littérature scientifique est rédigée en anglais. J’ai pu identifier et rentrer en contact avec un spécialiste américain le docteur James D. Fett qui m’a orienté vers 3 médecins français. Je me suis rapproché du Docteur Frédéric Mouquet à Lille avec qui j’ai construit une collaboration, et nous menons à présent des missions d’informations ensemble (https://www.youtube.com/watch?v=xKj8Za7KlhM).

    Nous avons créé depuis 2 ans l’association avec 3 missions majeures :
  • Améliorer la connaissance auprès du grand public
  • Améliorer la connaissance auprès du milieu médical
  • Valoriser la recherche afin de trouver des traitements.

    Et nous faisons partie des 11 associations de patients de la filière CARDIOGEN.
  • Pouvez-vous nous parler de la cardiomyopathie du peripartum ?
    La cardiomyopathie du péripartum est une insuffisance cardiaque qui peut se déclarer à partir du dernier mois de grossesse et jusqu’à cinq mois après l’accouchement. Le ventricule gauche du cœur se dilate, il ne parvient plus à pomper le sang correctement pour le propulser dans tout le corps.
    Il en découle des symptômes tels qu’un essoufflement, fatigue, toux… qui sont souvent attribués à l’arrivée de l’enfant. Le diagnostic est parfois trop tardif, et la pathologie peut être mortelle car très souvent, les patientes ont eu une grossesse et un accouchement normaux, pourtant, on peut soigner cette maladie si le diagnostic est fait à temps.
  • Comment peut-on prévenir cette pathologie ?
    Etre attentif au cœur de la maman au cours de la grossesse, à partir des 6 dernières semaines de grossesse et jusqu’au 5ème mois après l’accouchement, c’est-à-dire la fenêtre de temps où la pathologie peut apparaître et commencer à induire une détérioration du cœur. La priorité est la prévention, en un mois le cœur peut se détruire.
    Nous avons traduit le questionnaire de prévention de la Cardiomyopathie du peripartum du Docteur Fett qui repose sur 6 questions et pourrait constituer un excellent outil de diagnostic, ce questionnaire pourrait être remis aux professionnels de santé qui assurent le suivi des grossesses.
    En fonction des résultats, en cas de doutes, des examens complémentaires pourraient être menés, tels que tester les marqueurs cardiovasculaires à partir d’une prise de sang, et dans les cas les plus suspects une échographie cardiaque pourrait être envisagée.
    Un travail de prévention avec une surveillance systématique pourrait prévenir la mortalité induite par la cardiomyopathie du peripartum.
    Les études de recherche sont au début, mais prometteuses. Par exemple en France, l’équipe INSERM d’Alexandre Mebazaa travaille sur un test biologique qui pourrait être mis en place.
  • Pouvez-vous nous parler de l’appel à projet CARDIOGEN dont vous avez été lauréat ?
    Le projet s’intitule « Une histoire de cœur » il a pour objectif la création d’une BD éducative et d’un clip vidéo pour informer le grand public et les services de santé concernés par la grossesse sur la cardiomyopathie du peripartum.
    Ces supports de communication seront diffusés le plus largement possible, et seront utilisés pour accompagner nos campagnes de sensibilisation que nous menons déjà. En effet, en trinôme : (i) une maman qui a été atteinte de cardiomyopathie du peripartum, (ii) un médecin, (iii) et moi Francis, nous allons à la rencontre de professionnels de santé qui sont au premier plan du suivi des grossesses, par exemple les sage-femme.
  • Quelles sont vos attentes ?
    Le message doit être largement diffusé, il est important de sensibiliser le corps médical à ce sujet.
    La cardiomyopathie du peripartum pourrait être abordée dans le programme des formations des professionnels de santé en gynéco-obstétrique, ou sous forme de recommandations.
    Nous devons travailler ensemble sur ce point.