Comment orienter un patient vers un psychologue ?
Article rédigé par Marie-Lise Babonneau et Claire-Cécile Michon, psychologues coordinatrices du Centre de Ressources Psychologiques
Suite aux tragiques événements du 13 novembre dernier, qui n’a pas entendu parler d’aide psychologique ?
Si, à l’heure actuelle, beaucoup s’accordent à reconnaître que l’aide psychologique peut être utile, il n’en reste pas moins difficile d’orienter vers une telle aide. En effet, peu savent réellement quand orienter, vers qui et ce qu’on peut attendre d’un soutien psychologique. Cet article – et les articles à venir – ont donc pour objectif de vous donner quelques clés pour aborder la question de l’aide psychologique avec un patient ou un membre de sa famille.
Une aide psychologique : Pourquoi ?
La maladie est une épreuve physique et psychologique. Elle peut venir, momentanément ou dans la durée, rompre l’équilibre de vie du patient : sa vie familiale, professionnelle, ses relations sociales, ses loisirs, l’Image de Soi et ses perspectives d’avenir peuvent s’en trouver changées. Le risque de mort imminente, les sentiments de vulnérabilité et de perte de contrôle sur sa vie font irruption. La survenue de la maladie bouscule alors le sentiment d’appartenance de l’individu qui ne se reconnaît plus tout-à-fait comme un membre du groupe des « bien portants » mais qui ne se reconnaît pas encore dans le groupe des « malades ». C’est le sentiment-même d’identité qui peut être questionné.
S’il ne faut pas dramatiser l’impact psychologique de la maladie – à laquelle beaucoup de patients apprendront à faire face avec le temps -, on ne peut minimiser les troubles qu’elle occasionne dans les repères habituels. Cette reconnaissance de la dimension psychologique est d’ailleurs un facteur qui favorise l’adaptation des patients à leur nouvelle situation et, de fait, facilite la prise en charge médicale…
Les signes qui doivent interpeler
Ne psychiatrisons pas les réactions normales d’adaptation à une situation douloureuse ou stressante. Après l’annonce d’une maladie, il est habituel d’être triste, anxieux, préoccupé, irritable, d’avoir quelques troubles du sommeil ou de l’alimentation, de perdre son intérêt pour les activités habituellement plaisantes, etc. Mais il est aussi habituel de se sentir « comme d’habitude » ! L’annonce de la maladie n’est pas toujours ressentie comme un bouleversement.
Il n’y a pas de différence de nature entre les réactions normales et les réactions dites « pathologiques ». Ce qui doit interpeler est plutôt 1- la durée des réactions (plusieurs mois), 2-leur intensité (envahissante) et 3- ce qu’en dit le patient et/ou son entourage.
Afin que le patient puisse évoquer ce qu’il vit, le médecin doit pouvoir lui demander : « Comment vous sentez-vous en ce moment, de manière générale ? ». De même, il est important de questionner l’entourage. En effet, les proches perçoivent parfois des modifications profondes dans le comportement ou l’humeur du patient que celui-ci n’a pas perçues lui-même. C’est aussi l’occasion pour les proches d’exprimer ce qu’ils vivent et il n’est pas rare que certains soient également en souffrance.
Proposer une aide psychologique
Les patients sont sensibles à la façon dont leur médecin évoque la consultation psychologique. Et pour être convainquant, il faut être convaincu : non, aller voir un psychologue ne signifie pas qu’on est fou. L’idée vous viendrait-elle de faire soigner une rage de dent par un orthopédiste ? Et bien lorsqu’une personne souffre émotionnellement, proposer une aide psychologique est tout simplement une réponse adaptée au problème qui se présente.
La proposition d’aide psychologique peut se faire très naturellement, en rebondissant sur ce que rapporte le patient. La forme interrogative est souvent facilitante : « Vous avez évoqué tout à l’heure vos difficultés à trouver le sommeil et vos angoisses depuis la pose du DAI. Vous traversez une période particulière. Partager tout ça avec un psychologue vous permettrait peut-être de vous sentir mieux ? »
Si le patient n’en voit pas l’intérêt, ou ne veut pas voir de psychologues, le médecin peut l’encourager à y réfléchir, en lui laissant les coordonnées d’un psychologue dont il pourra se saisir dans un second temps.
Quels bénéfices peut-on attendre de cette aide ?
« Qu’est ce que ça va changer, Docteur ? ». Parler ne va évidemment pas changer le cours des évènements mais plutôt la façon de les vivre. La maladie est un événement subi qui provoque une forme de rupture avec sa vie « d’avant » et qui peut soudainement envahir tout l’espace. L’objectif de l’aide psychologique est alors de contribuer à rétablir un sentiment de continuité en remettant la maladie à une juste place afin que l’individu qui y est confronté ne se réduise pas à être un malade.
Un des bénéfices spécifiques du soutien psychologique est le soulagement d’être entendu sans jugement : le patient est libre d’exprimer tout ce qu’il pense et ressent. Cependant, la survenue de la maladie provoque souvent une grande confusion dans les pensées et les sentiments. Le psychologue aide donc le patient à trouver les mots justes pour traduire ce qu’il vit et cette justesse dans la formulation redonne de la cohérence à ce qui est vécu. Cette cohérence retrouvée participe au sentiment de redevenir acteur de sa vie. Le patient, accompagné par le psychologue, redonne progressivement du sens à l’épreuve qu’il traverse, et reprend confiance en ses capacités à la dépasser.